Élargir la compréhension de l’économie aux plus jeunes, voilà une grande première pour les journées de l’économie ! En tant que partenaire média, nous avons été convié à un atelier de sensibilisation dédié à une classe de Ce2 / CM1 ( 7 – 8 ans ) à la bibliothèque de Lyon Part-dieu dans le cadre de cet incontournable événement Lyonnais. Animée par Cheyenne Olivier, illustratrice et Esther Duflo, prix Nobel de l’économie en 2019, les deux autrices sont revenues sur la réalisation de leurs livres destinés aux enfants abordant des enjeux sociaux autour de la pauvreté tels que la santé, le travail des femmes, la gestion des ressources… Des interrogations émouvantes des enfants qui devraient susciter une réflexion profonde sur les questions fondamentales entourant la pauvreté.
Déconstruire les préjugés sur la pauvreté
Rien de tel pour attirer l’attention des enfants que parler de dessin. L’illustratrice Cheyenne Olivier a su captiver son jeune auditoire en expliquant de manière accessible sa collaboration avec Esther Duflo pour la création d’une série d’une dizaine de livres (reprenant les 10 chapitres d’un livre de Esther Duflo) que les enfants avaient presque tous déjà parcourus.
Fruit d’un travail entamé il y a 4 ans, elle a partagé avec les enfants les coulisses de l’élaboration des livres dans le but de stimuler leur esprit critique. Allant de la création des personnages, de leurs tenues, du storyboard, de l’obtention de belles couleurs, du fonctionnement d’une imprimante et de l’assemblage des parties d’un livre.
Au cours de ces échanges, Cheyenne a souligné un aspect crucial de l’illustration de ses 10 livres, à savoir la représentation universelle de la pauvreté. Elle a insisté sur le fait que la pauvreté était présente partout et nulle part à la fois, sous toutes les couleurs et dans tous les pays, transcendant toutes les cultures. L’objectif était de briser les préjugés et de démontrer que la pauvreté est une réalité mondiale.
De l’autre côté de l’écran, en direct de Boston, Esther Duflo s’est confiée sur son parcours auprès des enfants et sur ce qui l’a motivée à consacrer sa vie à la recherche sur la pauvreté, une passion ancrée depuis 30 ans. Elle revient sur l’une des questions qui revient le plus fréquemment : ” Pourquoi y a-t-il des gens qui sont pauvres ? “. Une question en apparence simple, mais qui occupe les pensées d’Esther depuis trois décennies.
« Pourquoi la pauvreté existe ? C’est la question que me pose en premier les enfants, et c’est également la question que je me pose depuis toujours et tous les matins. »
Esther Duflo, économiste et prix Nobel de l’économie en 2019
C’est à leur âge, qu’Esther Duflo commence elle-même à se poser des questions. Fille d’une maman pédiatre qui parcourt le monde, y compris des pays économiquement défavorisés, elle revenait de ses voyages avec des photos souvent saisissantes. C’est à ce moment qu’elle prend conscience de la chance qu’elle a de vivre dans une famille aussi privilégiée.
Elle considère avoir la responsabilité de répondre aux problématiques de la pauvreté et de devoir déconstruire les préjugés persistants : ” Plus on accompagne les personnes, plus ils sont aptes avec le temps à sortir de la pauvreté “. Longtemps indécise sur la manière d’agir, elle découvre finalement l’économie et décide que c’est la trajectoire à suivre pour son engagement .
Une confidence qui a suscité d’honnêtes questions de la part des enfants : Pourquoi il y a des gens pauvres ? La pauvreté est-elle toujours liée à l’argent ? Pourquoi n’aide ton pas les gens qui n’ont pas de maison ? L’occasion pour Esther, d’expliquer les multiples dimensions de la pauvreté, qu’elle soit due à la terre, aux problèmes de santé, à la situation familiale, au manque d’accès à l’éducation. Finalement ce pourquoi les 10 livres ont été créés : montrer les multiples facettes de la pauvreté et déconstruire les préjugés.
Un moment qui a permis de déconstruire la représentation physique souvent associée à la pauvreté, soulignant que les vêtements ne sont pas nécessairement “troués” et que les personnes en situation de précarité peuvent être soucieuses de leur apparence.
L’accessibilité : l’ADN des JECO
Cet atelier pourrait à lui seul résumer l’ADN des JECO : rendre accessibles, compréhensibles et utilisables les connaissances les plus pointues, avec l’envie de sensibiliser spécialement les jeunes générations pour montrer la joie d’agir et de comprendre, par le biais de l’économie.
« L’objectif est de sensibiliser le grand public aux problématique économiques et pour la première fois on a décidé de s’adresser aux enfants »
Alex Pommateau, Chargée de mission Journées de l’Économie chez Fondation Innovation et Transitions.
À la lumière des explications fournies par Cheyenne et Esther, elles ont eu l’opportunité de revisiter certains dessins, notamment celui d’un élève qui avait représenté un personnage avec une bulle disant ” Je m’ennuie “. Esther a pu décoder ce préjugé intéressant en expliquant que les personnes en situation de pauvreté ont une vie riche, pleine de pensées, d’activités et d’expériences, parfois même plus que certaines personnes aisées.
À la suite de ces explications, les élèves ont revisité leur représentation de la pauvreté en dessinant eux-mêmes un personnage. Cette étape a permis d’observer la manière dont les notions ont été intégrées par les enfants, mettant en lumière le succès de cette approche pédagogique innovante et inspirante.