Cyril Dion à Lyon : “ Où sont les films qui montrent comment faire autrement ? »

Il était bien présent ce vendredi 17 septembre à Lyon pour une conférence gratuite au Palais de la mutualité. Réalisateur, écrivain et militant écologiste, on ne présente plus Cyril Dion, son impact ou son rôle dans les différents combats menés au service de la transition écologique. Les sujets qu’il aborde résonnent évidemment avec l’engagement quotidien de notre média qui comme lui, cherche à toucher un public toujours plus large et à marteler des messages d’action. Ce n’est d’ailleurs évidemment pas un hasard si notre Podcast “Demain.” s’inspire directement de son film éponyme, coréalisé avec Mélanie Laurent et primé du César du meilleur documentaire en 2015. Lyon Positif a eu le privilège de participer à cet événement et vous livre l’essentiel de son message sur l’importance des récits et des imaginaires pour réussir les transitions. Un échange source d’inspiration et d’énergie positive.

« Nous sommes une espèce fabulatrice »

Cette rencontre exceptionnelle s’inscrit dans le cadre du Pacte Climat Lyon 2030, sur une initiative de l’Agora 2030 qui réunit une soixantaine de structures locales, ambassadrices de ces sujets. Des organisations, représentant la diversité des acteurs lyonnais, qui s’engagent à co-construire une vision partagée pour atteindre la neutralité climatique à l’échelle de la ville d’ici 2030.

Malgré un emploi du temps très chargé, et nous avouant d’emblée les trois heures de sommeil de la nuit précédente, Cyril Dion s’engage avec énergie dans une longue conversation avec le public conquis d’avance. Il ouvre sa conférence avec une citation évocatrice de l’auteure Nancy Huston et qui pourrait résumer l’essentiel de son propos et de son message : « Nous sommes une espèce fabulatrice ».

Depuis la nuit des Temps, les êtres humains ont toujours eu tendance à créer des récits pour interpréter le réel, des histoires qui sont ensuite perçues de manière subjective. Depuis toujours, ces récits collectifs façonnent nos vies, qu’il s’agisse de religion, de politique ou de normes sociales. Hélas, force est de constater avec le recul que « le grand gagnant de ces récits demeure le modèle capitaliste ». L’essentiel des récits véhiculés aujourd’hui, à travers la publicité, les réseaux sociaux ou les médias, valorisent des modes de vie issus de “l’American Way of Life”, qui de fait orientent nos choix de citoyennes et de citoyens vers toujours plus de consommation, de supposé confort et de réelle accumulation. Ces modèles ancrés dans nos esprits qui dérèglent le climat, nous rapprochent de ce que les scientifiques appellent « la zone grise », une ère d’incertitude.

On peut encore changer de paradigme !

Il poursuit ensuite sa démonstration en expliquant que « ce que dit aussi Nancy Huston, c’est que ces récits, élaborés par des humains, peuvent également être déconstruits par eux ». Ainsi, lorsque les récits tentent d’imaginer l’avenir et de proposer d’autres imaginaires, il rappelle que nous avons à notre disposition diverses formes d’art, comme moyen de médiation.

Il évoque ainsi la puissance du cinéma, qui joue un rôle clé dans la transmission de visions qui finissent par influencer la réalité. Il cite ainsi l’exemple du film Minority Report (2002), dans lequel Tom Cruise utilise une voiture totalement autonome pour traquer ses ennemis. Une pure fiction à l’époque aujourd’hui devenue une réalité. Pour lui, il est plus que temps et crucial de « changer de logiciel », de repenser notre rapport au vivant et de réorganiser nos villes, nos entreprises, et nos économies. Il est alors nécessaire d’être capable de se laisser influencer par d’autres récits et d’imaginer des futurs différents que ceux en vogue actuellement et qui rendent l’écologie punitive et non-désirable.

Pour illustrer cette idée, il nous montre des extraits de films apocalyptiques, souvent centrés sur la fin du monde, des œuvres qui n’offrent aucune perspective de changement et n’encouragent pas les spectateurs à croire en un avenir meilleur : « Où sont les films qui montrent comment faire autrement ? », interroge-t-il. Ces fictions et récits d’un nouveau genre, même si elles ne démontrent rien de certain, jouent un rôle exemplaire, en proposant des modèles inspirants qui, à force d’être visualisés, poussent les spectateurs à s’identifier et à envisager des alternatives.

Cyril Dion conclut son intervention en évoquant l’importance de créer d’autres récits, capables de rassembler les gens autour de solutions collectives et mentionne d’ailleurs un projet documentaire prévu pour 2026, une mini-série sur la démocratie, « sans laquelle il ne peut pas y avoir d’écologie ».