Le “monde du travail” est clairement soumis à de nombreux changements, internes comme externes, depuis l’après Covid. Changement des mentalités, impact du télétravail, perte de productivité, baisse de pouvoir d’achat, perte de sens… Autant de faits qui entraînent des questionnements individuels essentiels sur l’essence même de notre lien au boulot et qui sont autant d’enjeux de survie pour les organisations. Un mouvement de fond d’ampleur s’installe très rapidement qui nécessite pour les entreprises d’évoluer quant à ce qui a fait leur succès d’hier et de répondre aux incertitudes sur leur “marque employeur”. Face à ces nouveaux enjeux, le cabinet Flexjob a organisé les “journées de la transformation” du 22 au 24 janvier 2024.
Trois jours d’ateliers et de conférences-débats sur les nouvelles façons de travailler qui ont réuni plus de 150 participants curieux. Une approche qui a incité les participants à réfléchir autrement aux enjeux tout en expérimentant de nouveaux modèles d’organisations. C’est dans ce cadre que Lyon positif s’est rendu à l’un des ateliers pour découvrir le travail de Samuel Durand, et interviewer l’auteur et réalisateur d’une série de 4 documentaires sur ces sujets.
Une aventure entrepreneuriale personnelle devenue un projet commun
Durant ses études de management à Grenoble, Samuel devait réaliser deux stages de six mois pour découvrir le management sur le terrain. Étant déjà freelance, et pour donner une plus vaste dimension à cette immersion, il a proposé à son école d’en faire un véritable projet entrepreneurial. Il s’est alors fixé comme objectif de documenter un “état des lieux “ à date sur les différentes façons de travailler en France et d’étendre son champ d’action à l’échelle internationale en allant découvrir le fonctionnement dans d’autres pays. Après six mois de préparation, il a commencé son aventure et pendant près d’un an a rencontré plus de 100 dirigeants dans une dizaine de pays.
Le résultat de cette aventure s’est concrétisé à travers plusieurs documentaires thématiques, dont “Work In Progress” en 2021, suivi de “Why do we even Work?” en 2022, puis “Time to Work” en 2023, et enfin “IA at Work” prévu pour le printemps 2024.
Ces documentaires sont aujourd’hui diffusés au cours de multiples rencontres et conférences, permettant aux dirigeants de s’inspirer pour repenser leur vision d’entreprise. Ils ont également permis de susciter la réflexion sur de nouvelles gouvernances capables de relever les défis de l’entreprise tout en considérant leur impact sociétal et environnemental.
Un nouveau rapport au temps et aux relations interpersonnelles
Le premier sujet, qui a été posé autour de la projection débat du dernier documentaire de Samuel Durand, “Time to Work” (sorti en avril 2023) a été d’interroger le rapport au temps de travail et de regarder diverses formes d’organisations concrètes à travers le monde. De nombreuses expérimentations existent qui se demandent ainsi s’il faut travailler un jour de moins par semaine, en condensant par exemple nos 35 h sur 4 jours ou en réduisant notre durée du temps de travail ? D’autres expérimentent une coupure nette, vraiment plus tôt, pour permettre à son cerveau de bien déconnecter et revenir en meilleure forme le lendemain matin ? Certains, enfin, affirment que désormais que la frontière entre la vie pro et la vie perso n’était plus si nette aujourd’hui et qu’on parlait plutôt d’intégration vie personnelle et travail ?
Un débat qui a montré en tout cas que le “comment se transformer”, ne peut se faire sans questionner la notion de temps et de temporalité, soulignant l’importance de faire du temps un allié dans le processus de transformation qui s’inscrit dans la durée. Si ces ateliers ont permis de confronter les visions et les idées reçues pour faire évoluer le sens même du mot travail, ils ont également montré les différentes facettes du management. Aujourd’hui, le manager est souvent identifié comme le chef d’orchestre, celui chargé d’entretenir les liens, le partage d’information ou la productivité. Pourtant, il n’est pas le seul à pouvoir y contribuer et il s’agit bien d’une co-responsabilité de l’ensemble des membres de l’équipe de s’accorder des temps sociaux réguliers tout comme des occasions de collaborer de façon opérationnelle et faire vivre pleinement les complémentarités.
Quand la gouvernance rime avec la transparence
D’autres ateliers ont porté sur les enjeux de la cohésion d’une équipe dont il a été clairement montré qu’elle dépend en grande partie de la confiance qui s’y instaure vraiment. La qualité du lien et des relations interpersonnelles est un sujet en soi et doit faire l’objet d’attention régulière, car l’organisation comme les individus sont en mouvement permanent. Pour permettre une performance organisationnelle, une collaboration fluide est nécessaire et repose très largement sur la transparence et le partage d’information.
La question de la gouvernance partagée s’est trouvée également au centre des ateliers d’expérimentation et avec elle celle de la délégation. Dans chaque entreprise, les décisions permettent de se structurer et d’avancer, mais elles ne sont pas toujours prises de la même manière. La diversité des approches pour arrêter un choix et prendre des décisions a été mise en évidence interrogeant notamment l’impact et l’intention de celui qui s’engage au nom du collectif.
Un Sérious Game a également permis, en plongeant les collaborateurs dans un scénario, de penser avec agilité de nouvelles formes d’organisation innovantes (holocratie, entreprise libérée, permaentreprise…) et de travailler les modes de collaboration et de communication qui sont au cœur des nouvelles manières de faire.
Le travail doit désormais aussi répondre aux enjeux environnementaux
Pour ce qui est du “pourquoi se transformer”, les échanges ont permis de mettre en lumière la nécessité d’opérer une transformation profonde des organisations d’aujourd’hui. Les objectifs incluent tous aujourd’hui une adaptation aux évolutions des métiers et des écosystèmes, mais également des adaptations efficaces pour faire face aux enjeux sociétaux et environnementaux qui amènent de nouvelles exigences.
Plusieurs entreprises ont déjà initié des changements significatifs pour adapter leur travail sur des causes environnementales. Pour en parler, trois actrices engagées dans la transformation de notre territoire (la ville de Lyon, la SNCF, l’URSSAF Rhône-Alpes) sont venues témoigner lors d’une table ronde.
L’objectif était de répondre aux mutations des métiers et des écosystèmes tout en comprenant les étapes à suivre en gérant notamment la question du temps et de la période transitoire, qui est le sujet principal de la transformation durable, souvent peu compatible avec les résultats et les contraintes des organisations.
Des questions, on le voit, plus que jamais d’actualité et qui nécessiteront encore de nombreuses journées de ce type.
“Le travail j’aime bien le décrire comme une activité comme une autre, pas comme un fardeau”
Samuel Durand, auteur des documentaires “Work in Progress”